Après une vie bien remplie, Jurgita nous a quittés
Le Parti communiste Wallonie-Bruxelles présente à son fils Michel et à ses petits enfants ses condoléances les plus fraternelles et vous invite à lire la biographie de cette camarade dont le parcours fut si riche en engagements les plus divers.
Biographie de Jurgita Smolski
Cinq jours, cinq petits jours seulement après son compagnon Jean Evaldre, c'est maintenant Jurgita Smolski qui nous quitte, ce 15 janvier. Ils auront eu une vie rayonnante, à l'instar de ce qu'ils étaient, souriants, cultivés, aimables.
Jurgita – Georgette pour l'état-civil officiel, du fait d'un préposé communal pointilleux – était née à Verviers, le 8 février 1920, dans la ville de ses grands-parents. Sa mère, Germaine ("Maine") Geelens s'y était réfugiée après l'exécution par des corps francs, en Lituanie le 6 juillet 1919, de son mari Jurgis Smalstys (1881-1919), écrivain, dramaturge et militant social-démocrate lituanien ([1]).
Après six années passées en Lituanie, Maine, pressentant l'évolution du régime lituanien ([2]), décide de rester en Belgique après les grandes vacances de 1926. Maine devient institutrice à l'école Decroly en 1929. Jurgita y sera élève, avant de passer en 1937 à l'ULB, où elle suit une formation en Histoire. Très vite, elle y devient aussi militante, aux Étudiants marxistes puis aux Étudiants socialistes unifiés, où elle participe aux divers combats antifascistes, à commencer par celui en faveur de l'Espagne républicaine. L'occupation du pays par les troupes nazies ne l'arrête pas, aussitôt revenue d'exode en juin 1940. Elle racontera de manière émouvante les actions et les pertes des ESU de l'ULB dans un petit opuscule où elle remet en mémoire l'action et les combats de plusieurs de ses compagnons de lutte de l'époque ([3]). Licenciée en histoire en 1941, elle plonge dans l'appareil clandestin du PCB, parti auquel elle adhère en octobre de la même année. C'est Pierre Joye, le rédacteur en chef du Drapeau Rouge clandestin, qui l'affilie. Il est vrai qu'ils sont proches: c'est notamment chez Maine et Jurgita que Pierre est hébergé, à raison d'une dizaine de jours par mois de juillet 1941 jusqu'à son arrestation en juillet 1943.
Jurgita est courrière de Pierre Joye dans la clandestinité, tandis qu'à partir de 1942 elle est professeur le jour à Decroly. Après l'arrestation de Joye, "Carine" reste courrière pour l'appareil central du PCB. Après la Libération, elle reçoit de l'ULB la Médaille Verhaegen pour son action résistante. En septembre 1945, elle devient enfin journaliste – passion qui avait justifié son choix d'une formation historienne – en entrant dans le cadre rédactionnel du quotidien du PCB, Le Drapeau Rouge. Elle y occupe la fonction de responsable des rubriques Arts, sciences et lettres. En février 1946, cependant, elle passe à la rédaction de Front, l'organe du Front de l'Indépendance, pour revenir en 1947 au DR. Sur ses activités dans la presse communiste, elle livrera là aussi un témoignage important ([4]).
Son expérience journalistique s'arrête cependant en mai 1948. Elle vient alors d'épouser un attaché de la légation hongroise à Varsovie, Ferenc Majoros, et elle part s'installer en Hongrie, devenant membre du PC hongrois. Elle a bientôt un fils. Mais, en mars 1956, son divorce prononcé, elle revient en Belgique avec son fils. Devenue professeur d'histoire à Decroly, puis à l'École européenne, elle reste militante jusqu'à sa pension. Pension qu'elle n'imagine pas autrement qu'active. Laïque militante, elle sera conseillère laïque à la clinique César De Paepe, puis dans des homes pour seniors. Elle reste membre du parti communiste jusqu'en 1991. La disparition de l'URSS et la renaissance de la Lituanie indépendante l'amènent à reprendre à nouveau contact avec le pays de son père. Elle créera ainsi, en 1996, une Fondation Smolski-Geelens pour aider les titulaires d'une maîtrise en Histoire de l'Université de Vilnius à élargir leurs horizons à l'ULB.
Elle sera une des visiteuses régulières de notre Centre d'archives, où elle viendra souvent consulter les collections du Drapeau Rouge, toujours à la recherche de la date précise ou de l'article qu'elle avait écrit sur tel écrivain, tel artiste ou tel événement dont elle se souvenait parfaitement. C'est à cette époque que je l'ai connue et appréciée, autant pour le témoin inappréciable qu'elle était que pour sa gentillesse et son sourire inaltérable. Mais aussi pour sa sensibilité: je me souviendrai toujours de ces quelques larmes qui perlèrent sur son visage alors qu'elle venait manifestement de revivre "en direct", à la lecture de l'article nécrologique qu'elle lui avait consacré dans les colonnes du quotidien communiste, le décès du jeune pianiste prodige Sainpol Hou.
Ces dernières années encore, nous la voyions souvent, avec celui qui était devenu son compagnon, Jean Evaldre, participer à plusieurs des différentes manifestations que nous (co-)organisions.
Que son fils Michel, que toute sa famille et celle de Jean Evaldre trouvent ici nos condoléances les plus sincères et amicales.
Milou RIKIR,
archiviste du CArCoB.
La cérémonie d'incinération de Jurgita Smolski, suivie de la dispersion des cendres, aura lieu au crématorium d'Uccle (avenue du Silence, 1180 Bruxelles), ce samedi 21 janvier 2012, à 10 heures.
[1] Jurgita a consacré un beau livre à la mémoire de son père : Georgette SMOLSKI, Jurgis Smalstys : un destin lituanien, Paris : L'Harmattan, 2001.
[2] La droite nationaliste et militariste prend définitivement le pouvoir, conduite par A. Voldemaras qui va rapidement faire évoluer le régime vers la dictature.
[3] Jurgita SMOLSKI, Engagés volontaires : dix U.L.Bistes dans notre mémoire, Bruxelles : éd. du CArCoB, 2010.
[4] Georgette SMOLSKI, "Quelques faits ponctuels au Drapeau Rouge 1945-1948 et leur relecture en 2005", in: José Gotovitch et Anne Morelli (dir.), Presse communiste, presse radicale [1919-2000] : passé/présent/avenir?. Bruxelles : Ed. ADEN, 2007, p. 305-316.
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