Rosa : Une révolutionnaire, une femme
Un hommage à Rosa Luxemburg, assassinée le 15 janvier 1919
Depuis octobre 1918, une situation révolutionnaire s'était créée en Allemagne. La Ligue spartakiste, scission de l'extrême-gauche du parti socialiste, conduit la lutte des ouvriers et des soldats révolutionnaires. Rosa Luxemburg en est une des dirigeantes.
Mais, le parti socialiste (SPD), qui est au gouvernement, a choisi le camp de la contre-révolution et de la répression contre les forces révolutionnaires. C'est dans ce contexte, que le ministre socialiste de l'Armée de terre et de la Marine - Gustav Noske - décide l'exécution extra-légale de Rosa Luxemburg et de Karl Liebknecht, deux des dirigeants de la Ligue spartakiste, devenue, en décembre 1918, le Parti communiste allemand.
Le bourreau sera un général d’État-major à la tête d'une unité de choc. Les deux dirigeants sont arrêtés le 15 janvier 1919. Karl Liebknecht est aussitôt fusillé. Rosa Luxembourg est d'abord assommée à coups de crosse puis tuée d’un tir dans la tête. Son corps est jeté dans le Landwehrkanal.
Rosa Luxemburg a été une opposante résolue à la guerre des impérialismes européens de 1914-1918. Dès février 1914, elle est condamnée à un an de prison pour incitation de militaires à la désobéissance. Libérée, elle organise, avec Karl Liebknecht, la manifestation du 1er mai 1916 à Berlin ; ce qui lui vaut une nouvelle incarcération en forteresse pendant plus de deux ans.
Durant ses détentions, elle a entretenu un abondant courrier qui témoigne de la profondeur de ses convictions et de l'immensité de son courage politique. Mais, ses lettres révèlent aussi une personnalité sensible et chaleureuse.
En septembre 1915, elle écrit : « Il faut bien pourtant que j'aie quelqu'un pour me croire quand je dis que j'étais, au fond, faite pour garder les oies et que, si je virevolte dans le tourbillon de l'histoire, c'est par erreur ».
Dans une autre lettre, elle évoque ce qu'elle appelle son « quantum de bonheur personnel », « flâner librement en pleine campagne, ou même ne serait-ce que dans les rues en avril-mai, m’arrêter devant chaque petit jardin, contempler bouche bée les arbustes qui verdissent, voir les feuilles de chaque bourgeon avec leur torsion différente… ».
Mais elle ajoute aussitôt : « Ne te méprends pas ! Je ne veux pas dire que je souhaiterais me limiter à cela et ne pas mener une vie d’action et de réflexion ».
Elle a fait des paroles de Luther sa devise : « Je suis là, je ne puis agir autrement ».
Elle recommande : « Il faut travailler et faire tout ce que l'on peut, mais prendre tout le reste avec légèreté et bonne humeur. L'amertume intérieure ne rend sûrement pas la vie plus facile ».
Lors de sa première sortie de prison, en 1915, elle est accueillie par un millier d'ouvrières berlinoises venues la saluer ; ce qui lui inspire ce commentaire lucide : « Je ne suis rien d'autre que le mât auquel elles ont accroché le drapeau de leur enthousiasme pour la lutte en général ».
A une amie à laquelle elle reproche ses « gémissements », elle demande de « rester un être humain » : « Rester un être humain, – écrit-elle - c'est jeter, s'il le faut, joyeusement sa vie toute entière "sur la balance du destin", mais en même temps se réjouir de chaque journée de soleil, de chaque beau nuage ».
Elle écrira également : « Il faut en tout temps mener une vie qui engage la personnalité tout entière ». Ou encore ces phrases qui révèlent un autre aspect de sa personnalité : « J’incline à la sévérité – à vrai dire, seulement dans les relations politiques. Dans les rapports personnels, je sais que je suis exempte de toute dureté, et le plus souvent j’incline à pouvoir aimer et tout comprendre ».
Et, à un de ses amis les plus chers, qui sera tué au front, elle confesse : « Je crains qu’après la guerre c’en soit fini des heures de calme et d’amitié. Et Dieu sait si j’ai peu envie de la bagarre qui nous attend ! ». Prémonitoire, elle ajoute : « Je ne sais encore ce qu’il adviendra de moi ».
JPD
Sources : Rosa Luxemburg, J'étais, je suis, je serai ! Correspondance 1914-1919, Ed. François Maspéro, 1977.