TURQUIE: Leyla Zana, la seule femme député kurde...

Le Premier ministre turc, M. Erdogan, vient d'engager une opération d'arrestation et de répression de grande ampleur et systématique contre les kurdes, dans 17 villes dont Istanbul, Diyarbakir et même la ville de Van qui est encore sous le choc d'un puissant séisme. Cette opération a visé en particulier toutes celles et ceux qui refusent l'affrontement militaire et appelle à une solution pacifique. Comment le chef du gouvernement de Turquie peut-il prétendre qu'il lutterait ainsi contre le terrorisme alors qu'il attise lui-même les tensions et la violence dans son propre pays?

Des perquisitions ont été menées dans les locaux de la mairie de Diyarbakir et jusqu'au domicile de Leila Zana*. En réprimant aussi brutalement et à une telle échelle, en provoquant tant d’humiliations, les autorités de Turquie cherchent-t-elles la guerre civile? La question se pose. Les députés du BDP, parti démocratique des kurdes, n'ont de cesse, au sein de l'Assemblée nationale, d'alerter contre cette très dangereuse escalade.

L'Europe et la France se contenteront-elles, une fois encore, d'un silence complice et coupable face à cette violence consternante et face au refus obstiné de laisser un peuple vivre en liberté et en paix dans le respect de ses droits?

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF

* TURQUIE: Leyla Zana, la seule femme député kurde...

Leyla Zana naît à Silvan, près de Diyarbakır. Elle épouse à 14 ans son cousin Mehdi Zana, qui sera élu maire de Diyarbakir en 1977 puis fait prisonnier politique et torturé après le coup d'État militaire du 12 septembre 1980 en Turquie.

Le 20 octobre 1991, revendiquant l'héritage politique de son mari exilé à l'étranger, Leyla Zana est élue au Parlement turc dans la circonscription de Diyarbakır. Elle fait scandale au parlement lors de la cérémonie de prestation de serment en prononçant un message de paix en kurde (« Vive la paix entre les peuples kurde et turc »).

Son parti, le Parti de la démocratie du peuple (DEP) est interdit et son immunité parlementaire est levée. En décembre 1994, Leyla Zana est arrêtée, en même temps que trois autres députés (Hatip Dicle, Selim Sadak et Orhan Dogan) et accusée de trahison. Les accusations de trahison ne sont pas portées devant le tribunal mais Zana et les trois autres accusés sont condamnés à 15 ans de prison pour « appartenance à un groupe armé » (il s'agit du [PKK]).

Pour justifier sa décision, le tribunal s'est appuyé sur des arguments comme la couleur des vêtements portés par Leyla Zana. Ainsi, il est dit « [...] que l'accusée Leyla Zana a, le 18 octobre 1991, effectivement porté des vêtements et des accessoires jaune, vert et rouge alors qu'elle s'adressait à la population de Cizre ».

Le 30 novembre 1995, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a déclaré que l'emprisonnement des quatre parlementaires était arbitraire, car il contrevenait aux articles 10 et 11 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Le Groupe de travail a instamment demandé au gouvernement turc « de prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation », ce dont il s'est abstenu.

De son côté, Amnesty International a estimé « que ces parlementaires sont des prisonniers d'opinion, emprisonnés pour avoir exprimé leurs idées de façon pourtant pacifique».

En 1994, Leyla Zana reçoit le prix Rafto et le prix Sakharov décerné par le Parlement européen pour honorer sa "liberté d'esprit". En 1995 elle reçoit le Prix Bruno-Kreisky.

Sa condamnation est alourdie en 1998, à cause d’une de ses lettres publiée dans un journal kurde, où elle exprimait des opinions séparatistes. Elle publie un livre Écrits de prison. Son parti, le Parti de la démocratie (DEP) est également dissout par la Cour constitutionnelle en 2003.

L'Union européenne (UE), à laquelle la Turquie souhaite adhérer, effectue à plusieurs reprises la demande d'une libération de Leyla Zana, sur des bases humanitaires. En 2001, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) critique la façon dont le procès de Zana a eu lieu ; la Turquie n'en accepte pas le jugement mais en 2003 une loi d'harmonisation passée dans le cadre de l'éventuelle adhésion de la Turquie à l'UE permet de demander un nouveau procès qui tienne compte de l'avis de la CEDH. Toutefois ce nouveau procès qui prend place en avril 2004 est régulièrement boycotté par les prisonniers et leurs condamnations y sont confirmées. En juin 2004, celles-ci sont finalement annulées par la cour d'appel suprême de Turquie sur avis du procureur, pour un vice de forme lors du premier procès et Zana est libérée ainsi que Hatip Dicle, Selim Sadak et Orhan Dogan.

En janvier 2005, la CEDH condamne le gouvernement turc à verser à chacun des condamnés 9 000 €, déclarant que la Turquie a violé leur droit d'expression.

 ne s'est pas présentée aux élections parlementaires de 2007. Elle a déclaré, lors des célébrations du Newroz à Diyarbakir : « Les Kurdes ont trois leaders : Jalal Talabani, Massoud Barzani et Abdullah Öcalan, nous leur devons énormément. » Par ailleurs, lors d'un colloque au Parlement anglais, elle a affirmé que « le PKK était la garantie du peuple kurde. »

Le 4 décembre 2008, Zana a été condamnée à 10 ans de prison ferme pour avoir fait des déclarations faisant l'éloge du PKK dans neuf discours lors de rassemblements publics.

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