Décès du Cde Marcel Bergen

Discours du Camarade Marc Denonville

Chers Camarades, chers amis

Mesdames et Messieurs

Au nom du Parti Communiste et de sa Fédération Liégeoise, il m'échoit de prononcer ces quelques mots à l'occasion du décès de notre camarade Marcel Bergen en tant qu'éminente personnalité de notre parti et du mouvement ouvrier organisé et en tant que défenseur inlassable de la classe ouvrière à laquelle il appartenait par ses origines familiales.

Marcel était issu d'une humble famille de mineur du bassin liégeois. Son père Jean Bergen était né avec le 20e siècle et sa mère était née Joséphine Sottiaux en 1899. Très jeunes, c'est dans la période difficile de la première guerre mondiale qu'ils commencent à travailler aux charbonnage des Kessales à Jemeppe sur Meuse où Jean travaillera au fond, et Joséphine en surface affectée au triage du charbon, un travail généralement réservé aux femmes. C'est ainsi que Jean et Joséphine vont se rencontrer et vont se marier en 1919. De cette union naîtront deux filles et quatre garçons. Dès le début des années vingt, la naissance de Marie l'aînée sera suivie de celle de Roger et de Louise.

Marcel naîtra en 1935 avant ses frères Robert et Danny, le cadet de la famille.

Les parents Bergen feront tout pour permettre à leurs fils d'avoir une profession autre que la mine. Malheureusement suite à la mésentente de leurs parents, les filles ainées devront subvenir aux besoins de la famille et aider leur mère dans les taches ménagères et l'éducation de leurs frères. C'est ainsi que Marcel ne tarissait pas d'éloges pour sa sœur Louise qu'il considérait comme une deuxième maman.

En 1940, comme leurs parents en 1914, les enfants Bergen vont connaître les affres de la guerre dont les privations et la faim. A titre anecdotique, Marcel m'a rapporté qu'il s'était associé à ses frères et sœurs pour reprocher à leur père de soigner un coq qu'il élevait pour son chant, au lieu de le sacrifier pour améliorer l'ordinaire des repas à une époque où la viande était une denrée rare.

Après la guerre, Marcel va assister à la reconstruction du pays associée à « la bataille du charbon » où le gouvernement belge va négocier avec l'Italie pour échanger du charbon contre une main d'œuvre italienne qui sera forcée de travailler dans les mines belges. Cette immigration viendra pallier le désintérêt de la population belge qui rechignait de plus en plus à travailler là où « il n'y avait pas de fenêtre » et qui n'écoutait pas une certaine publicité vantant le travail dans les mines et le statut des mineurs dont les femmes étaient présentées comme « femmes de seigneurs ». Au delà d'un lourd tribut qu'ils paieront au prix de leur vie ou de leur santé, Marcel sera témoin que les mineurs italiens comme d'autres étrangers ne furent pas toujours bien reçus.

Ceci n'empêchera pas Marcel de rencontrer la fille d'un mineur italien originaire de Toscane, Vittoria Deldebbio qui était arrivée en Belgique en 1950, et qui deviendra son épouse en 1955 avant de lui donner un fils, Patrick qui décèdera en 2011, un drame dont il ne s'est jamais remis...

En 1957, Marcel perdra son père Jean Bergen dont le décès est survenu un avant la fermeture du siège des bons buveurs des Charbonnages des Kessales qui avait eu raison de sa santé après plus de quarante de travail au fond.

Son épouse Joséphine lui survivra jusqu'en 1966. Marcel témoignera qu'à la fin de sa vie, cette maman exemplaire illettrée et très pieuse allait se rapprocher des convictions de son fils.

Durant ces années d'après guerre, Marcel va se tourner vers l'enseignement technique de Seraing où il obtiendra son diplôme de tourneur ajusteur qu'il mettra en pratique à 18 ans au service de l'entreprise Hydrobel, une firme spécialisée dans le système de refroidissement des laminoirs. Ensuite il va travailler à l'intercommunale de démergement, une entreprise publique qui gère les stations de pompage nécessaires à la régulation du débit de la Meuse. Il entrera ensuite à l'usine Phoenix aluminium pour y exercer son métier de tourneur avant de devenir brigadier.

Parallèlement, il exerce également un mandat syndical et une activité politique en fondant une importante section d'entreprise du Parti Communiste qui regroupe la majorité du Personnel. Ceci lui vaudra finalement d'être licencié en 1970 pour fait de grève, et c'est dans ces conditions qu'il deviendra permanent du parti. Les conditions pécuniaires du mandat de permanent étant inférieures à celle du privé, son épouse Vittoria devra travailler dans un restaurant pour permettre au ménage de joindre les deux bouts.

Sur le plan politique, comme la majeure partie des jeunes ouvriers de l'époque, Marcel était affilié au PS (PSB à l'époque). Cependant la grande grève de 60/61 auquel le gouvernement répond par une violente répression qui entrainera plus de 1000 arrestations et la mort de quatre grévistes va lui ouvrir les yeux.

Au mépris de ses militants de base qui, comme Marcel, étaient actifs sur le terrain des luttes, la direction du PSB avait choisit de privilégier l’action parlementaire à la lutte. En fait, au lieu de s'opposer à la loi unique elle souhaitait plus la chute du gouvernement pour y placer ses pions. Un nouveau gouvernement socialo-catholique sera effectivement élu cinq mois plus tard et votera des pans entiers de la Loi unique. Beaucoup de grévistes interprèteront ces événements comme une trahison et le PSB perdra 20 sièges aux élections de 1965.

Comme d'autres de ses camarades, ces évènements conduiront Marcel à rallier le Parti Communiste en ignorant la promesse du président de la section socialiste de Seraing de lui octroyer un mandat d'échevin en échange du maintien de son affiliation au PS. Marcel avait surtout apprécié le rôle très important du PC dans la grève et particulièrement de sa Fédération Liégeoise qui à l’époque comptait 2550 membres parmi lesquels des personnalités comme René Beelen, Théo Dejace, Albert Juchmès, Marcel Levaux, Marcel Baiwir et Honoré Swinberg. Beaucoup d’affiliés militaient alors dans des sections d’entreprise comptant de nombreuses cellules.

Depuis 1960, Marcel a ainsi entamé une longue carrière militante au sein du PC dont il fut un mandataire communal et provincial assidu et où il exerça des responsabilités au plus haut niveau des instances du parti. Notons que la situation sociale modeste de Marcel ne l'a jamais empêché de remettre scrupuleusement ses indemnités politiques au parti.

Depuis 2010, Marcel avait apprécié l'évolution positive du Parti du Travail de Belgique qui s'était éloigné de son dogmatisme et d'un certain sectarisme, et il avait compris que l'on ne pouvait pas faire abstraction du PTB qui aujourd'hui est devenu le plus important parti de la gauche radicale européenne. Pour Marcel, ignorer le PTB revenait à un repli identitaire voire un suicide. C'est dans ces conditions qu'en 2012 Marcel a défendu un accord entre la fédération communiste liégeoise et le PTB, qui lui a permis de se présenter sur les listes de ce dernier et d'être élu conseiller communal à Seraing et conseiller provincial de Liège, des mandats qu’il assumera jusqu'en en 2018 avec assiduité malgré une santé de plus en plus chancelante

Marcel considérait que le PTB avait acquis une maturité politique qui doit lui permettre de reprendre dignement le flambeau et de relayer le combat et les valeurs du Parti Communiste.

Au delà de son engagement politique et syndical, Marcel avait également exercé un mandat de président de l'association des locataires de la société de logements sociaux de Jemeppe où il habitait et où son appartenance au PCB ne l'a pas empêché d'être élu par des locataires majoritai­rement socialistes dont il avait toute la confiance.

Comme tous ceux qui ont des convictions, Marcel Bergen n'avait pas un caractère facile et il n'hésitait pas à dire ce qu'il pensait, ce qui ne plaisait pas à tout le monde. On peut dire qu'il avait un caractère trempé dans la lutte de classe parce qu'il avait pris conscience de l'injustice qui frappait la classe et le milieu social dont il était issu. Ce caractère ne l'empêchait pas de disposer d'une certaine notoriété que nous avons pu apprécier car les portes s'ouvraient plus facilement lorsque l'on venait de la part de "Monsieur Marcel Bergen".

Marcel n'appréciait pas les donneurs de leçon ou les redresseurs de tort ou tous ceux qui portaient atteinte à l'unité du mouvement à laquelle il était particulièrement attaché. Il défendait le maintien de bonnes relations avec les syndicats et refusait de faire un amalgame entre la direction du PS et ses affiliés dont une bonne part d'entre nous sommes issus. Il n'a jamais appartenu au « parti qui a toujours raison ».

Valeureux liégeois, il restait un défenseur de l'unité nationale qui n'a jamais oublié la consonance flamande de son nom en étant un supporter des footballeurs de Brugge, son équipe favorite. Nous n'oublierons jamais son assiduité et sa disponibilité où il était présent dans toutes nos activités et sur le terrain des luttes.

Au nom du parti, il nous reste à rendre hommage à sa famille et à sa charmante épouse Vittoria qui l'a soutenu durant les 68 ans de leur union.

Si personne n'est irremplaçable, Marcel laissera un vide difficile à combler après une vie bien remplie consacrée jusqu'à la fin à la défense des travailleurs et de nos justes convictions communistes.

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