Le retour populiste du parti libéral ?
Carte blanche de Manuel Abramowicz, coordinateur de la rédaction du web-journal RésistanceS.be, publiée dans l'édition numérique du quotidien Le Soir du 29 août 2013.
Le 6 août dernier, le quotidien Le Soir publiait une interview de la députée fédérale, Jacqueline Galant, membre du Mouvement réformateur (MR). Sa vision de la situation sociale à propos de l’histoire et de la situation des immigrés (et de leurs enfants, de nationalité belge dans la plus grande majorité des cas) est choquante. Injuste et ne pouvant que susciter des réactions de replis identitaires inquiétants.
La parlementaire libérale tient en effet un discours radical centré sur des thèmes populistes qui ont fait, dans les années 1980 et 1990, les fonds de commerce de l'extrême droite. Et ont permis à ses formations politiques représentatives des succès de foule. Notamment dans le Hainaut, la circonscription électorale de... Jacqueline Galant !
A l’époque, pour riposter à ces « nouveaux venus » sur la scène électorale, une poignée d'hommes politiques issus de partis démocratiques se lancèrent dans une surenchère pour réduire l'« émigration » d'électeurs vers la droite pure et dure xénophobe. Il fallait colmater à tout prix les brèches avec de la colle dure. Les plus vieux d’entre-nous, se rappelle des affiches électorales de Roger Nols, l'ex-bourgmestre FDF de Schaerbeek récupéré par le PRL, qui scandaient : « Sécurité d'abord - Stop à l'invasion » (d'étrangers) ou « L'immigration de hier ne doit pas devenir l'invasion de demain ».
Après avoir vécu des « success stories », les partis d'extrême droite sont désormais en mauvaise forme : les restes du Front national et ses pseudopodes sont en voie de disparition ; le Vlaams Belang, à partir de 2006, a vu ses scores électoraux d’abord faire du surplace, pour ensuite plonger avec l'arrivée fulgurante de la N-VA de Bart De Wever au sommet de la politique flamande. L'extrême droite structurelle d'aujourd'hui ne séduit plus autant qu'avant. Mais les motivations électorales pour ses croisades traditionnelles subsistent. En résumé : l'offre est faible, la demande reste présente.
Il y a donc un électorat à prendre. Mais pour cela, il faut bien entendu l'attirer, le séduire, le convaincre et le pousser à changer de choix électoral. Devant encore faire face à la concurrence que pourrait exercer en mai prochain le Parti populaire de Mischaël Modrikamen et ses diverses dissidences, la tâche de récupération du vote frontiste sera ardue. C'est néanmoins le pari que semble avoir pris, depuis un laps de temps déjà, la députée libérale Jacqueline Galant. Sans être pour autant la seule sur ce créneau.
A la question du quotidien Le Soir « Sarko plus que Marine Le Pen ? », elle répond tout de go : « Je suis une grande démocrate, alors je suis avec Sarko, pas Le Pen ». Mais, pour rappel, le candidat Sarkozy en 2007 puis le président Sarkozy en 2012, lors de ses campagnes présidentielles, a ouvertement emprunté aux Le Pen, père et fille, les produits à succès de leur boutique frontiste. Dans un scénario mis en boîte par un conseiller personnel en communication provenant, en droite ligne, de l'extrême droite. Jacqueline Galant en se déclarant sans nuances « sarkozienne » (sic) assume-t-elle donc aussi le « profil sarko-lepéniste » de l'ex-président français ? Poser la question, c'est y répondre...
Le reste de l'interview confirmera ensuite que la parlementaire libérale a bel et bien choisi, de façon réfléchie, un discours clivant pour s'adresser à une niche électorale bien particulière. David Coppi, le journaliste du Soir, lui demandera au cours de l'interview si sa campagne électorale pour 2014 est déjà « tracée ». Sa réponse viendra sous la forme d'un slogan populiste : « Oui. Asile-immigration et sécurité. Les gens en ont ras-le-bol ».
Une affirmation proclamée juste après avoir lancé divers stéréotypes et préjugés à l'égard des « communautés étrangères », dont « l'intégration est un échec »... par leur seule faute, bien sûre ! Comme beaucoup de politiciens, Jacqueline Galant ne remet jamais en cause le contexte raciste, les législations et les initiatives restrictives qui mirent, dans les décennies passées, des bâtons dans les roues aux étrangers (dont la majorité était alors née sur le sol national) qui souhaitaient vivre sereinement en Belgique. Par un processus d'intégration naturel.
A n'en pas douter, avec la libérale Jacqueline Galant, les « années xénophobes » du PRL sont de retour !
Manuel ABRAMOWICZ
Auteur et coordinateur de RésistanceS.be
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