Un spectre hante Bruxelles!

Roland Nyns, 7ième à la Région sur la liste PTB-PDVA-GO"A trois ans du centenaire de la Révolution d'Octobre, on a du mal à le croire, mais il y a encore des marxistes", c'est ainsi que Jean-François Lauwens du Soir ouvre son dossier sur le PTB. Mon but ici n'est pas de défendre le PTB, dont je ne suis pas membre et qui est assez grand pour le faire lui-même. D'ailleurs les militants de ce parti auxquels le Soir a donné la parole l'ont très bien fait. Mais je désire m'insurger contre la diabolisation du marxisme dont ce dossier témoigne. Car la seule critique qui est faite à ce parti "proche des gens et moderne", c'est qu'il "n'en reste pas moins un parti marxiste et communiste".

S'étonner qu'il y ait encore des marxistes 100 ans après la Révolution d'Octobre, c'est un peu comme s'étonner qu'il y ait encore des républicains 200 ans après la Révolution Française, non? (Et demander à Raoul Hedebouw de condamner des régimes se réclamant du socialisme, correspond à demander à Nadia Geerts de condamner la France en raison de la Terreur, ...) Et de citer Pascal Delwit, que j'ai bien connu lorsqu'il était un des dirigeants de l'Union des Etudiants Communistes, qui nous dévoile les "vrais desseins" de ce parti: "l'instauration d'un Etat socialiste". Cela fait froid dans le dos, non?

Faut il avoir peur des marxisme, des communistes, d'un état socialiste? Le marxisme est un courant de pensée économique, sociologique et politique inspiré des écrits (nombreux) de Karl Marx. Celui-ci a su démontrer à la suite d'une étude minutieuse (Das Kapital) que la source du profit était une part du travail des ouvriers qui ne leur était pas payée. Les revendications actuelles des associations de patrons autour du "coût du travail" et les attaques contre les salaires témoignent de la pertinence et de l'actualité de cette analyse.

Dans cette étude économique, Marx dévoile aussi le mécanisme et l'inéluctabilité des crises dans une économie capitaliste. Poussés par la soif du profit, les capitalistes font produire le plus possible afin de pouvoir empocher cette part de travail non payée. Cela explique le refus de réduire le temps de travail, ainsi que le productivisme débridé et le consumérisme qui caractérise la société contemporaine. Mais le marché est limité par le fait même de la limitation des salaires, ce qui conduit à une surproduction, la fermeture d'entreprises, des faillites et, pour les classes laborieuses, au chômage. Et ça "à trois ans du centenaire de la Révolution d'Octobre"!

Marx tira de ce constat des conséquences. Il ne se contenta pas "d'interpréter le monde, mais de le transformer". D'après lui, la classe ouvrière doit prendre son destin en main et se rendre propriétaire des moyens de production si elle ne veut plus être spoliée d'une part de son travail. Il énonce cela très clairement dans le Manifeste, "ce qui est propre au communisme n'est pas l'abolition de la propriété, mais l'abolition de la propriété bourgeoise", celle qui sert à s'approprier le travail des salariés. Les petit-bourgeois, petit-propriétaires, travailleurs indépendants doivent-ils avoir peur pour ce qu'ils ont gagné à la sueur de leur front? Pas du spectre du communisme, mais bien du grand capital dont ils sont dépendants et par lequel ils sont exploités au même titre que les salariés. Combien de petits entrepreneurs ont-ils dû mettre la clé sous le paillasson lorsque Mittal a fermé Arcelor?

La propriété privée n'est pas mise en danger par les marxistes et les communistes, mais bien par les grands trusts, les fonds de pensions, les banques, comme peuvent en témoigner des milliers de ménages américains qui ont tout perdu grâce à la banque Lehman Brothers. Nos petits commerçants sont menacé par les grandes surfaces qui s'implantent en périphérie des villes et attirent à elles seules tous les clients. Les vilains communistes ne pensent pas leur "nationaliser" leur gagne pain.

Si je cite Marx dans cet article, c'est pour rassurer le lecteur qu'il s'agit bien d'un point de vue "marxiste", et non de l'élucubration d'un intellectuel de gauche. Et qu'on en finisse une fois pour toute avec l'idée d'un "catéchisme marxiste" (cité deux fois par Lauwers), voici ce que Marx lui-même en dit dans le Manifeste: "Les énoncés théoriques du communisme ne sont pas fondés sur des idées ou principes inventés ou découverts par l'un ou l'autre bien faiseur de l'humanité. Ils sont l'expression générale des conditions réelles de la lutte de classes qui se déroule sous nos yeux."

Oui, la lutte des classes existe encore "un siècle après la Révolution d'Octobre". Il y a d'une part les ouvriers d'Arcelor, les travailleurs de Ford Genk, les salariés de Fortis, ceux de VW... pardon, Audi-Forest, les employés de la défunte Sabena, et tant d'autres, dont la propriété et le niveau de vie dépendent de l'autre classe, celle des Mittal, Frère, Boël et Bernard Arnault qui peuvent fermer et déplacer leurs entreprises pour maximiser leurs profits.

Non, cette lutte des classes n'est pas une invention marxiste. Elle est le moteur de l'histoire et s'exprime dans notre société non seulement sous forme de grèves et manifestations, mais sous forme des attaques du patronat contre les salaires et droits des travailleurs, des sanctions administratives communales, de hausses de coût des services publiques, etc.

Les marxistes ne sont pas les seuls à s'opposer à de telles mesures, heureusement. Mais contrairement à d'autres groupes d'opposants, ils proposent aussi une perspective à long terme: une alternative au système capitaliste. C'est ce que le professeur Delwit appelle "les vrais desseins" des marxistes, "l'instauration d'un état socialiste". Voilà qui fait trembler bien plus que le fameux spectre qui hante (bien faiblement, il faut le dire) l'Europe!

Faut-il comprendre que les marxistes veulent fermer les églises, lire vos emails, endoctriner vos enfants, établir une caricature de dictature comme en Corée du Nord? Cela c'est passé, et parfois au nom du marxisme, il faut le reconnaitre. Ce n'est pas ça un état socialiste, pas plus qu'un état capitaliste doit nécessairement lire nos emails, abolir le droit à l'avortement, ou museler la presse. Le propre de l'état capitaliste est d'assurer au grand capital qu'il pourra maximiser ses profits comme le fait l'Union Européenne par l'instauration de la "règle d'or" et du nouveau traité européen. Par opposition, le propre d'un état socialiste est d'empêcher cela par la nationalisation des banques et des grands moyens de production, tout en garantissant à tous les travailleurs leurs droits et libertés fondamentaux. Mais cela n'est pas à l'ordre du jour avec 6,8% aux sondages!

Ce qui est à l'ordre du jour, c'est de donner une voix dans les assemblées parlementaires aux travailleurs et autres victimes de la lutte des classes que mène contre eux le grand capital. Qu'il y ait dans ces assemblées des voix qui exigent entre autres choses la construction de logements sociaux, la révocation des sanctions administratives, l'arrêt de la chasse aux chômeurs, la taxation des grandes fortunes, un stop aux cadeaux fiscaux dont bénéficient les grandes entreprises, un enseignement de qualité vraiment gratuit.

C'est la raison pour laquelle je suis candidat du Parti Communiste, 7ième sur la liste du PTB-GO pour la Région Bruxelloise.

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