Les banquiers coûtent plus cher que les chômeurs !
Les histoires populaires qui bercent les enfances innocentes finissent parfois mal. Prenez Blanche-Neige, on dirait la Sécu. Dans le rôle de la marâtre, la Commission européenne. Sept nains jouent les figurants : un Premier et six vice-Premiers, un de chaque couleur. Vous cherchez alors vainement un «Prince charmant» pour délier l'intrigue. Au moment où vous cessez d'attendre, vous mesurez stupéfait que les nabots ont piraté le scénario, rallié la cause de la reine sorcière et que le conte de fée a viré gore !
En décembre 2011, le soldat Moureaux était dépêché pour défendre des décisions prises à la hussarde, «face à l'urgence européenne», dans le secteur des pensions. Il parlait alors, «le cœur déchiré», de réformes «totalement injustes, totalement déséquilibrées... mais totalement indispensables!» . Pour justifier les mesures catastrophiques décidées cette fois en chômage, c'est le général qui monte au front. De fâcheuse humeur à l'égard des syndicats, le Premier déploie la grosse artillerie. Il parle alors d'«unité du pays», de la nécessité de «tenir compte des exigences de la majorité au Parlement» et «dans la population». Bouquet final d'un feu d'artifice confus, il évoque le travail d'un gouvernement qui œuvre dans l'intérêt général: «On essaie de trouver une solution de cohésion sociale».
Un sommet d'hypocrisie! L'exclusion du chômage de plus de 20.000 travailleurs sans emploi, essentiellement, de Wallonie et de Bruxelles, juste après les prochaines élections fédérales, et la perte de 25% de pouvoir d'achat pour d'autres au lendemain du scrutin communal serait ainsi une mesure de... cohésion sociale. Si c'était populaire, pourquoi attendre le retour aux urnes ?
Une réforme équilibrée...
La FGTB wallonne fulmine. Que dit la FEB? «C'est une réforme équilibrée (...) Maintenant, il faut tourner la page». Circulez, y a plus rien à voir! Peu de responsables se risquent en effet à un plaidoyer sur le fond. S'il n'y a pas de justification sociale crédible, ces purges recommandées par l'Europe ont-elles une justification économique? Elles ne peuvent en tous cas pas se fonder sur des considérations budgétaires: elles ne rapporteront même pas des clopinettes. Ces quelques économies vont induire et générer d'autres dépenses. L'allongement du stage d'insertion des jeunes a déjà nécessité une adaptation du budget des allocations familiales. Le renvoi vers les CPAS de milliers de chômeurs et de travailleurs à temps partiel va peser, après 2015, sur les communes (en aides sociales, en revenus d'intégration et en personnel d'encadrement). La population plus fragilisée tardera plus encore à recourir aux soins de santé: ce qui coûte plus cher in fine en pathologies plus lourdes et... aux urgences! La mutualité socialiste a, par ailleurs, mené une excellente enquête sur la situation de déprime dans laquelle plongent ces politiques antisociales.
Elles sont aussi contre-productives du point de vue macro-économique. La pression sur les revenus des ménages aura des conséquences sur la consommation et la relance attendue. Sans parler du secteur du logement social où de nombreux loyers devront être revus (avec des pertes de recettes pour des sociétés souvent à la corde). Il faudrait encore tenir compte du coût d'une économie informelle dopée par le besoin de familles de nourrir leurs enfants. Enfin, les problèmes d'insécurité sociale se doubleront, à l'évidence, de nouvelles questions «sécuritaires», fruit amer des politiques «austéritaires».
Les déclarations de Di Rupo sont transparentes: chômeurs wallons et bruxellois sont donc un tribut pour sauver le pays! Pourtant le chômage, resterait, comme les pensions, une branche d'une sécurité sociale fédérale... censée garantir la solidarité interpersonnelle. Selon le Premier ministre, une majorité (silencieuse) au Parlement et dans la rue souhaiterait donc qu'il en soit autrement?
Drôle de relance...
Cette politique habituellement défendue par la droite avec d'autres arguments stigmatisent les victimes du manque d'emploi en prônant, menaces à l'appui, l'activation des «feignasses» par le formatage d'un comportement de recherche active de jobs... qui n'existent pas. L'économiste Laurent Cordonnier, dans un entretien accordé au Soir, en a fait litière en une image bucolique : «On met une pression dingue sur les gens en leur disant de chercher du travail et de le faire d'autant mieux qu'il n'y en a pas. On demande aux gens de partir à la cueillette aux champignons, comme si c'est cela qui allait les faire pousser, alors qu'il ne pleut plus depuis trois semaines et qu'il fait 50°C».
Ce qui est absurde pour solutionner le manque d'emploi, l'est moins s'il s'agit de faire pression sur les salaires par l'augmentation de la compétition des travailleurs entre eux, l'organisation d'un dumping social interne... Relance ou compétitivité?
Pour sourire à la «marâtre» européenne, les sept nains d'un gouvernement qualifié par «simplet», de «centre-droit», fait payer le prix de la crise, au nom de l'«unité nationale» et de la «cohésion sociale» aux travailleurs les plus fragilisés. Dans le même temps, de nouvelles banques sont renflouées en Europe et la Belgique vient d'augmenter sa part dans la couverture des garanties sur Dexia.
Cohésion sociale ? Cherchez l'erreur...
Nico Cué, Secrétaire général