Chères Amies,
Chers Amis,
 
Ce que chacun - - et chacune - - d'entre vous sait de « l'affaire LAHAUT » varie grandement, j'en suis sûr, notamment en raison de votre âge.  C'est pourquoi je crois devoir commencer mon récit par le début.
 
Né en 1884, Julien LAHAUT était un enfant de Seraing, élevé dans une de ces familles d'ouvriers si nombreuses en Pays de Liège.  Il entre à l'usine à quatorze ans, donc avant même le début du XXème siècle.  Son intelligence et ses capacités vont le transformer rapidement en leader incontesté de ses compagnons.  C'est l'époque où un instituteur de la Ville de Liège, Célestin DEMBLON, jette dans la Cité Ardente les bases du parti qui va devenir un des grands partis socialistes d'Europe occidentale, le Parti Ouvrier Belge (P.O.B.).  Mais, comme tous les partis socialistes, le P.O.B. connaît une forte crise après la Première Guerre Mondiale (1914 - 1918) : pas mal de socialistes vont opter pour « la grande lueur à l'Est », c'est-à-dire la prise pour modèle de la Russie révolutionnaire, devenue l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques.  En France, Léon BLUM conduit ceux qui vont « rester fidèle à la vieille Maison ».  Julien LAHAUT opte pour le nouveau Parti Communiste (comme Célestin DEMBLON se prépare à le faire lorsqu'il meurt de la grippe, ce qui lui vaudra deux monuments funéraires au cimetière liégeois de Robermont).
 
Julien LAHAUT ne ménage pas ses efforts et l'emprise de sa personnalité, non seulement sur Seraing mais sur l'ensemble du Pays de Liège, est considérable.  Il participe à toutes les luttes ouvrières mais de plus il en mène beaucoup.  Ce qui, naturellement, n'est pas bien vu de tout le monde.  Ainsi, lors de la forte grève des mineurs qui éclate en 1932, Julien LAHAUT est emprisonné.  Ce qui ne l'empêche pas, la même année, d'être élu Député de Liège.
 
Tout naturellement, on le trouve au premier rang de la lutte contre la montée du fascisme et du nazisme, accordant à la grève d'Espagne tout l'intérêt qu'elle mérite et développant en conséquence la solidarité ouvrière liégeoise avec les Républicains espagnols en lutte contre l'insurrection du Général Franco, appuyée par Mussolini et par Hitler, dont la force aérienne (Légion Condor) effectue, le 26 avril 1937, le premier bombardement aérien systématique en Europe : celui de Guernica (Pays Basque), que le peintre Pablo PICASSO immortalisera dans une ouvre monumentale.
 
Tout naturellement aussi, Julien LAHAUT devient l'un des premiers résistants à l'occupant nazi.  Arrêté et enfermé à la Citadelle de Huy (comme par exemple le Professeur Jean HUBAUX), il y est torturé puis déporté, d'abord au camp de concentration de Neuengamme puis à celui de Mauthausen (comme notre ami Paul BRUSSON, devenu beaucoup plus tard chef de la police liégeoise et récemment disparu).
 
La forte constitution de Julien LAHAUT lui permet de survivre, mais il rentre affaibli en juin 1945 - - ce qui ne l'empêche pas de se remettre aussitôt au travail.
 
Profondément socialiste au sens classique du terme, la force de sa personnalité fait de lui, pour reprendre l'expression du poète hennuyer Achille CHAVEE : « un vieux Sioux qui n'ose pas marcher en file indienne ».  Ce qui lui vaut naturellement de lourdes bagarres avec la hiérarchie syndicale liégeoise et provoquera son exclusion, sans que celle-ci freine le moins du monde son action.
 
Pareillement, on devine que LAHAUT ne se trouve pas toujours sans difficulté au sein du Grand Parti des Travailleurs . et du Maréchal STALINE.  Aussi bien le Parti Communiste de Belgique (P.C.B.) crée pour lui un poste nouveau, celui de Président du Parti.  Ce qui n'est pas sans rappeler le modèle soviétique (pure coïncidence, bien entendu) où aucun des services généraux qui succèdent à STALINE n'accorde grande importance au rôle du Président de l'U.R.S.S., le Général BOULGANINE, qui avait un merveilleux profil de grand oncle et le bon goût de ne pas interférer dans les affaires de l'Etat.
 
Mais on ne bride pas Julien LAHAUT, dont la voix formidable est connue de tous.  Aussi, lorsque la Wallonie se soulève au retour de Léopold III, Julien LAHAUT est à nouveau à la pointe du combat.  Et, lorsque le Prince Royal Baudouin prête le serment constitutionnel, le 11 août 1950, devant les Chambres réunies, et que le cri « Vive la République » fuse des bancs du groupe communiste, tout le monde croit reconnaître la voix de Julien LAHAUT  (à tort : on saura plus tard que c'est Georges GLINEUR qui a crié mais l'incident a été préparé).
 
Toute la presse belge titre sur LAHAUT et cette confusion va être fatale à ce dernier.  Trois jours plus tard, il soupe avec sa femme à Seraing, dans la douceur d'une soirée estivale.  On sonne à sa porte.  Son épouse va ouvrir et revient, disant à LAHAUT qu'on le demande.  Habitué à cette familiarité de la vie politique locale, Julien LAHAUT part à la rencontre de ses visiteurs.  Des coups de feu claquent : LAHAUT a été assassiné par des inconnus sur le seuil de sa maison.
 
L'émotion est énorme.  Des funérailles grandioses se déroulent et l'hommage populaire est vibrant.  J'étais alors en France mais je vois et revois encore, jamais sans une forte émotion, les images bien conservées de ce grand moment de douleur.
 
Et chaque année, lorsque l'été commence à frissonner, je suis allé chaque fois que je le pouvais à la cérémonie d'hommage qui se tient au cimetière des Biens Communaux de Seraing, devant la statue du tribun lâchement abattu.
 
On pensait que, devant pareil affront à la démocratie, la justice allait s'empresser d'agir.  On se trompait.  L'enquête est interminable et elle débouche dans le vide.  Aujourd'hui encore, on attend toujours la vérité, ou du moins une vérité officielle, sur l'assassinat de LAHAUT.
 
Les jours, les semaines, les mois, les années passent .
 
Périodiquement, l'une ou l'autre Chambre du Parlement belge se réveille à l'appel d'un audacieux qui propose de faire - - enfin ! - - une enquête parlementaire, puisque la « JUSTICE » ne parvient à aucun résultat.  Rien n'y fait.
 
Et puis, miracle !  On songe enfin à prévoir un crédit spécial pour une activité de recherche : sans doute les choses vont-elles finalement bouger.  Eh bien non !  Une ministre libérale, dont la compétence en matière de recherche est ce que la bougie est à l'énergie nucléaire, décide « de faire des économies ».
 
L'opinion publique réagit.  Notre amie Véronique DE KEYSER, Membre du Parlement Européen, s'émeut et lance une souscription publique pour remédier aux carences gouvernementales.  La souscription rencontrera un succès indéniable.
 
Et le Ministre Ecolo NOLLET, bien trop jeune, l'heureux homme, pour avoir connu LAHAUT, a la bonne idée de débloquer des crédits régionaux.
 
Du coup, voilà La Dernière Heure, dont les commentaires politiques sont généralement aussi rares que le gel en enfer, qui réagit à son tour et titre sur « les dépenses inutiles ».
 
Nouvelle émotion à gauche.  On me contacte pour signer une carte blanche collective avec des responsables politiques ou syndicaux.  L'initiative me paraît heureuse mais je crois être plus utile en l'appuyant de l'extérieur.  Et, pour pouvoir dire ce que je sais, je publie, seul, vendredi dernier, un communiqué de presse.
 
A mon avis, ce communiqué ne risque pas de se retrouver en première page pour beaucoup de raisons dont toutes ne sont pas visibles.
 
Mais aujourd'hui, la force du Net permet à ceux qui ont quelque chose à dire de se faire entendre sans dépendre de la bonne volonté (ou de la mauvaise ..) des annonceurs publicitaires qui permettent à la presse écrite de subsister.
 
Usez donc sans restriction - - si vous le jugez bon, bien sûr - - de votre droit de diffuser ce message
 
Bonne lecture !
 
Et au moins, comme dans la chanson, tout cela montrera, Nicolas (et ce n'est pas une allusion à SARKOZY !), que la Commune n'est pas morte !
 
Fraternellement.
 
Jean-Maurice DEHOUSSE

Ancien député fédéral, ministre et député européen PS