GORBATCHEV, LA FIN D’UNE VIE, ET DES REGRETS

Publié dans International

Pour un personnage qui a présidé la plus grande nation du monde, la modestie des funérailles de Gorbatchev remarquée par l’absence de la classe politique internationale en disent long sur la perte de notoriété de l’intéressé.

Mikhaïl Gorbatchev a accédé au poste de Secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique le 11 mars 1985 à une époque très difficile du fait de la dégradation de l’économie soviétique ruinée par les coûts de la guerre en Afghanistan, la chute des prix du pétrole et une course aux armements initiée par les USA qui lui mange 20% de son PIB ainsi qu’un important retard dans le domaine  informatique. Gorbatchev tente d’insuffler une nouvelle jeunesse à l’économie de l’URSS. Une de ses premières mesures est d’augmenter le prix de la vodka de 30% ce qui le rend très impopulaire par la population qui le surnomme « secrétaire minéral » et qui provoque une explosion de la production d’alcool frelaté. Sous la louable intention de sauver le système, il entreprend des réformes structurelles très profondes appelées « perestroïka » (restructuration) et « glaznost » (transparence) qui s’écartent des principes léninistes classiques et lui attirent les foudres des conservateurs du parti. Mais très vite cette perestroïka va s’avérer un processus destructeur qui va contribuer à achever l’URSS. Cette volonté de réforme coïncidait curieusement avec une révolution ultra libérale défendue par le duo Reagan et Thatcher sous le slogan « There is no alternative » (« TINA »), traduit en français par « Il n’y pas d’alternative » (au capitalisme bien sur). À la même époque, le pape polonais Jean Paul II contribuait à déstabiliser la Pologne socialiste en bénissant Lech Walessa et ses troupes de Solidarnosc. Durant ses deux premières années au pouvoir, « Gorby » renouvelle profondément la hiérarchie communiste : les deux tiers de la composition du bureau politique, et 40% des membres du comité central, sont ainsi écartés pour permettre à des réformateurs d'entrer en nombre au sein du comité central du Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS). C’est dans ce débat entre réformateurs et défenseurs de l’URSS que Gorbatchev va favoriser l’entrée d’un certain Boris Eltsine au bureau politique. Gorbatchev va s’en mordre les doigts car Eltsine est un arriviste qui sait très bien exploiter le mécontentement et l’inquiétude de la population pour se donner le beau rôle de défenseur du peuple, un rôle dans lequel il excelle. Très vite, une première tension entre les deux hommes va naitre à propos de l’ampleur et des rythmes des réformes qui va déboucher sur un combat de chefs. L’opposition va se renforcer entre un Gorbatchev qui incarne l’URSS en tant que président et un Eltsine qui favorise la République de Russie. Alors que le parlement de l’URSS se prononce pour le maintien de l’Union à une majorité de 74%, Eltsine n’en tient pas compte et il adopte une déclaration de souveraineté de la Russie qui sonne le glas de l’URSS qui ne peut pas exister sans la Russie. En juillet 1990, il quitte avec fracas le XXVIIIe et dernier congrès du PCUS et le 12 juin 1991, il est élu au suffrage universel direct président de la fédération de Russie.

1990 c’est aussi l’année où Mikhaïl Gorbatchev a cru naïvement que sa prise de position en faveur de la réunification de l’Allemagne serait récompensée par les grands de ce monde comme Ronald Reagan, George Busch, Helmuth Kohl, François Mitterrand, Robert Gates (directeur de la CIA) et le Secrétaire Général de l’OTAN Manfred Wörner qui lui ont promis que l’OTAN ne progresserait pas d’un pouce vers l’Est. Or, dès 1998, la Pologne, la Hongrie et la Tchéquie rejoignent l’OTAN qui y installe des bases militaires pointées vers la Russie.

Manifestement, dans son rêve noble d’un monde de paix, Gorbatchev n’a pas compris les leçons de l’histoire ni les enseignements de Mao Tsé Toung qui disait : « La paix prépare la guerre et la guerre prépare la paix. »

En août 1991, Boris Eltsine va habilement exploiter la tentative de coup d’état mené par les conservateurs pour destituer Gorbatchev. Juché sur un tank, il appelle à la désobéissance civile et va se pavaner comme le leader de la résistance démocratique. L'échec du putsch marque la fin du P.C.U.S. qui est suspendu, l'URSS disparaît en décembre, remplacée par une vague « Communauté des États indépendants » (CEI). Le Parti Communiste de l’URSS sera dissous le 6 novembre. Dépassé par les événements qu’il a initiés, Mikhaïl Gorbatchev va entretenir la « Gorbymania » en parcourant le monde pour donner des conférences grassement payées sur les bienfaits du marché.

La perversité de Boris Eltsine se confirmera dans un discours qu’il a prononcé devant le congrès des Etats Unis en 1992 :

« J’ai le grand honneur de parler ici au Congrès d’un grand pays libre. L’idole communiste, qui semait la discorde sociale, l’hostilité et une cruauté sans précédent partout sur la terre, qui instillait la peur dans la communauté humaine, s’est effondrée en panne pour toujours. Je suis ici pour vous assurer que sur notre terre, nous ne le laisserons pas ressusciter ».

Si Gorbatchev est mort politiquement, sa Perestroïka va être appliquée par Boris Elsine et son équipe de jeunes loups réformateurs qui vont en faire une véritable « catastrofka ».

En 1992, les privatisations brutales vont entraîner une inflation de 2500% et une brusque dévaluation du rouble qui va ruiner des millions d’épargnants. En échange des privatisations, les travailleurs vont recevoir des actions qui seront vite rachetées pour des prix dérisoires par des affairistes sans scrupules qui deviendront propriétaires des entreprises pour les vendre à l’étranger et se constituer des fortunes colossales. La privatisation du parc immobilier va faire flamber les loyers qui représentaient 5% du salaire en URSS. L’alcoolisme, la drogue et le Sida vont faire des ravages parmi une population désemparée, confrontée à des maffias qui pillent, rançonnent et assassinent des milliers de gens. Dans l’explosion de la pauvreté, des enfants abandonnés par leurs parents se prostituent dans les toilettes publiques pour subsister en s’abritant dans les égouts pour se protéger des rigueurs de l’hivers russe. En 1993, le mécontentement de la population va s’exprimer dans des grèves et le désordre mais également par le renforcement des élus communistes au parlement russe. En réponse, Eltsine dissout le parlement et convoque des élections anticipées pour se débarrasser d'une assemblée trop communiste à son goût. Cette décision entraîne l’occupation du parlement par des centaines de laissés-pour-compte, jeunes et vieux.

Sous les conseils de son ami Bill Clinton, Eltsine décide de « rétablir l’ordre » en ordonnant de tirer au canon sur le parlement, une opération qui fera 1500 victimes. Dans ce pays où les soins médicaux étaient gratuits on constatera une recrudescence des maladies infectieuses et une diminution de l’espérance de vie. En 1996, Gorbatchev présente sa candidature aux élections présidentielles où il obtient 0,5% des voix…

La perestroïka de Gorbatchev et la « catastrovka » de Eltsine ont entraîné la disparition de l’URSS et de la citoyenneté soviétique attribuée à une communauté de plus de 160 nationalités diverses qui ont vécu en parfaite entente pendant 75 ans. Les conséquences de la perestroïka ont réactivé des frontières et un nationalisme outrancier causant des guerres qui ont fait des centaines de milliers de morts. L’absurdité du conflit entre une Russie où vivent des millions d’ukrainiens et une Ukraine où vivent trois millions de russes en est une nouvelle illustration.

L’anéantissement de l’URSS a également causé la disparition d’un rapport de force favorable aux travailleurs du monde entier au profit du capitalisme international. Elle a contribué à l’affaiblissement du mouvement communiste international avec comme conséquence une inquiétante résurgence du fascisme partout dans le monde. Gorbatchev et Eltsine avaient les mêmes origines modestes et apparemment ils ont oublié qu’ils devaient leur ascension sociale à une URSS qui devait être réformée mais non démantelée. L’un et l’autre, ils se sont considérablement ridiculisés en se prêtant à la publicité pour Pizza Hut et Mc Donald. Quant à la pertinence des réformes, la Perestroïka, ils auraient dû se remémorer les paroles du Général de Gaule : « La réforme oui, la chienlit non ! »

En janvier 2011 Mikhaïl Gorbatchev aura le mot de la fin en déclarant avec une certaine humilité : « Bien sûr, j'ai des regrets, de grosses erreurs ont été commises »

Imprimer