Les eurobonds, une fausse bonne idée.

Publié dans Europe

Il ne suffit pas qu’une proposition soit rejetée par Angela Merkel pour être une bonne idée! François Hollande estimait sans doute avantageux pour son image d’apparaître en divergence avec la Chancelière. Il  suffisait pour cela d’évoquer les “eurobonds” (obligations européennes).C’était d’autant plus tentant, pour le nouveau Président, de choisir ce terrain, que celui-ci était déjà bien balisé: nombre de “ténors” européens -pas franchement progressistes…- sont, de longue date, favorables à cette mesure. Parmi eux, le Président de l’eurogroupe; le Président du Conseil italien; la Commission européenne elle-même; la majorité des parlementaires européens…Jusqu’au Président du Conseil européen, M. Van Rompuy, qui avait invité les leaders européens à engager une discussion “sans tabou”…

Rappelons de quoi il s’agit: les pays de la zone euro emprunteraient ensemble les fonds dont ils ont besoin sur les marchés financiers, pour obtenir de meilleurs taux d’intérêts. L’Allemagne,chouchou des marchés, s’endetterait donc en commun avec les pays qu’elle juge “laxistes”,en partageant les risques. Nul besoin de sortir de l’ENA pour imaginer les contreparties qu’exigerait le pays financièrement le plus puissant des Etats qu’il ferait profiter de la “confiance” qu’inspire  aux “marchés” la “rigueur” de sa gestion! D’ailleurs,Madame Merkel dit  concevoir les “eurobonds”,mais comme un “aboutissement”. De quoi? D’une mise sous tutelle préalable de ses futurs protégés?

Dans une précédente chronique (voir HD du 4/9/2011), je notais à ce propos: ”Si l’Allemagne était finalement poussée à accepter d’affaiblir sa propre position sur les marchés en intégrant à sa dette AAA des dettes de pays financièrement menacés, on a froid dans le dos en imaginant la contrepartie imposée à ces derniers! Leur politique économique et budgétaire, leur législation sociale et un solide programme de privatisations seraient immanquablement pilotés d’en haut au nom d’une “gouvernance européenne” capable d’inspirer confiance aux “investisseurs”… Un tel saut dans le renoncement à la démocratie et à la souveraineté serait à la “règle d’or” ce que le plat de résistance et aux hors d’oeuvre.A gauche, les thuriféraires des “eurobonds” seraient donc bien inspirés de dévoiler les deux faces de la médaille et de passer de l’illusion d’un aménagement de l’ “Europe” actuelle à sa profonde transformation.”

Huit mois plus tard, le très orthodoxe président de la Bundesbank (banque centrale allemande), M. Weidmann, vient de confirmer mes craintes en déclarant sans fioritures:” On ne confie pas sa carte de crédit à quelqu’un si on n’a pas la possibilité de contrôler ses dépenses.” Et d’inviter François Hollande à dévoiler …”l’autre côté de la médaille (des eurobonds) : le fédéralisme”.A bon entendeur, salut!

Attention donc à ne pas jouer avec le feu! Si  notre Président souhaite réellement croiser le fer avec Madame Merkel, la bonne cible est celle de la transformation des missions de la Banque centeale européenne. Elle seule peut libérer les Etats de la domination étouffante des marchés financiers, grâce à son pouvoir de créer de la monnaie et de la prêter à un taux proche de zéro , y compris aux Etats. A la fois pour acheter des titres de dettes et pour financer des projets de développement social et écologique. Le moment est venu d’aiguiser le débat à gauche sur la France et l’Europe que nous voulons. Et de donner au Front de Gauche,le poids qui lui permette de faire entendre ses idées.

Francis Wurtz
Ancien député européen du PCF

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